Le Musée Bolo [Suisse] : l’accomplissement d’un travail partagé entre une association et une fondation

Un peu plus d’un an après la rédaction de mon mémoire, je poursuis mes recherches sur les méthodes de conservation et de partage de la culture vidéoludique.

Le Musée Bolo [Suisse] : l’accomplissement d’un travail partagé entre une association et une fondation

Un peu plus d’un an après la rédaction de mon mémoire, je poursuis mes recherches sur les méthodes de conservation et de partage de la culture vidéoludique. L’objectif de mes travaux consiste à rassembler des témoignages de personnes ou entités qui travaillent dans ce domaine afin de partager leur expérience. Dans ce but, je me suis rendue cet été en Suisse pour visiter le musée privé Bolo à Lausanne. Dans un premier temps, je reviendrai sur le statut de ce musée issu d’une fondation, ce qui le différencie de plusieurs initiatives françaises. Par la suite, je vous ferai découvrir l’exposition permanente, dédiée à l’évolution du matériel électronique et notamment informatique, ainsi que l’exposition temporaire. Dans un autre article, j’évoquerai l’initiative toute particulière de redonner une seconde vie au dispositif de SEGA : Fish Life.

Statut et infrastructure du musée

Le Musée Bolo désigne l’établissement Suisse situé dans le canton de Vaud au sein de l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Il est dirigé par les membres de la fondation Mémoires Informatiques. En Suisse, une fondation est désignée comme telle :

“une personne morale qui a comme élément essentiel des biens qui sont affectés à un but spécial. Le droit de la fondation est régi par les articles 80 et suivants du Code civil suisse.”Source : https://www.cagi.ch/fr/service-ong/creation-transfert/creation-d-une-fondation.php

Le site précise également que les biens de la fondation sont placés sous le contrôle d’une corporation de droit public (canton, commune, Confédération). De ce fait, en cas de dissolution de ladite fondation, l’ensemble des biens doit être transféré à une institution d’intérêt public suivant un objectif similaire.

Fondée par des pionniers de l’informatique suisse, le 7 mars 2007, elle est présidée par Yves Bolognini (dont vous pouvez consulter la conférence de présentation de la fondation). Cependant, avant d’être une fondation, l’organisme est avant-tout une association créée en 2001, elle-même issue d’une collection privée datant de 1995. Le musée naît avant la création de la fondation, en 2002 et en partenariat avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Suite à cette création, les biens de l’association sont transférées à la fondation afin de bénéficier de ce régime spécial tandis que les membres conservent leur statut de bénévoles associatifs.

Le but initial est de “participer à la conservation et la mise en valeur du patrimoine informatique”. Par extension, le jeu vidéo s’est peu à peu ajouté à l’équation, notamment avec la cession du fond Bruno Bonnell.

La fondation dispose de plusieurs espaces :

  • un local de stockage où le matériel non exposé ou en cours d’inventaire est entreposé
  • un atelier situé dans les sous-sol de l’École polytechnique fédérale de Lausanne
  • un espace d’exposition permanente : espace principal du musée, cette exposition présente l’informatique de ses débuts universitaires jusqu’aux années 2000
  • un espace d’exposition temporaire : situé en face de l’exposition permanente, la fondation réalise plusieurs mini-expositions sur des thématiques toujours liées à l’informatique et au jeu vidéo

L’exposition permanente

L’exposition permanente peut se découper en deux, voire trois parties. La première, que l’on pourrait désigner comme une introduction, initie le visiteur au lien entre le lieu (l’école polytechnique) et le musée. La présence de ces anciens ordinateurs de recherche rappelle également que l’informatique (et par la suite le jeu vidéo) est née dans les laboratoires universitaires. Un autre détail important : chaque élément s’accompagne d’un panonceau détaillé qui explique le fonctionnement de la machine. Un ajout bienvenu et encore trop rare dans certains musées, même publics.

La deuxième partie de l’exposition se construit sur l’intégralité du mur central. Elle présente à travers cinq thématiques l’évolution de l’informatique, de l’électronique et des consoles :

  • la réduction : à savoir la miniaturisation des composants informatiques
  • la dissolution : revient sur la métamorphose en d’autres outils qui se fondent dans le quotidien
  • l’oubli : l’informatique n’est qu’un souvenir
  • le camouflage : l’ordinateur se dissout dans le cloud
  • l’humanisation : l’ordinateur réfléchit et se met de plus en plus à la place de l’humain

Si les deux premières thématiques sont traitées avec justesse, je reste plus mesurée sur les dernières. La troisième, l’oubli, n’évoque pas les problématiques liées à la conservation, mais davantage la disparition d’une vision du réel à travers des dispositifs tels que la réalité virtuelle ou la réalité augmentée. Le quatrième point revient sur l’idée des ordinateurs Shadow, à savoir l’accès de l’informatique à travers un système de streaming. Une idée intéressante mais qui nécessite d’être revue et temporisée face aux thématiques actuelles : limitation internet, coût climatique… Enfin, la dernière thématique souffre une nouvelle fois du temps qui passe. Au moment de la conception de l’exposition, les définitions de l’intelligence artificielle et de la robotique étaient différentes. Une ré-écriture adaptée permettrait de relier davantage le matériel présenté aux dispositifs actuels.

Cette critique ne concerne que les choix de thématiques associées à l’idée générale de l’exposition : disparition programmée. Une association parfois poussive ou trop peu détaillée dans le sens où le spectateur a parfois du mal à connecter les sous-thèmes au thème principal de l’exposition. Cependant, les textes qui accompagnent les machines sont de qualité et la fondation a réalisé un véritable effort de scénographie. En effet, le visiteur se retrouve face à une infographie géante qu’il peut consulter tel un jeu de piste. Si cette organisation peut perdre le lecteur, elle ajoute à l’exposition un aspect ludique indéniable. En plus des textes, les machines peuvent être associées à différents éléments qui reconstituent le contexte de sortie, ce qui facilite l’immersion du spectateur.

Malheureusement, aucune interaction n’est possible avec le matériel, mais cela n’est pas l’objectif de l’exposition. Celle-ci vise à reconstituer une histoire de l’informatique et à rendre visible un patrimoine qui disparaît au fil des années. Enfin, la troisième et dernière partie dispose de nombreuses machines accompagnées de panonceaux.

L’exposition temporaire

En face de la dernière partie de l’exposition principale, l’exposition temporaire peut prendre diverse formes. Celle présentée au moment de ma visite, revenait sur les ordinateurs et appareils électroniques japonais (de la Game & Watch à la Nintendo 64). Présentées dans des vitrines, les explications étaient plus succinctes mais le visiteur pouvait y consulter du matériel rare en occident. La micro-informatique a connu des évolutions parallèles en Asie et en Occident. On retrouve donc deux histoires différentes, que l’on soit d’un côté ou de l’autre du globe. Hors collection personnelle, voir de telles machines en Europe reste donc exceptionnel. La dernière partie de l’exposition faisait la part belle à la série Pokémon. Différentes jaquettes et produits japonais s’exposaient aux yeux des visiteurs.  

La difficulté de faire vivre un musée du jeu vidéo

Malgré certains défauts, le cadre est bien là. Il s’agit certes d’une forme classique de musée avec très peu d’interactions entre le visiteur et les machines mais qui propose une vision de l’histoire de l’informatique. L’exposition temporaire rappelle, de par ses machines, celle de la section informatique du Musée des Arts et Métiers à Paris. Cependant, le musée Bolo propose une approche plus ludique et détaillée que le musée parisien. Accessible gratuitement, le musée Bolo peut être visité pendant les horaires d’ouverture de l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Si vous le souhaitez, vous pouvez assister à une visite guidée gratuitement en contactant directement les membres du musée via leur site : https://www.museebolo.ch/activites/visites-guidees/

Une initiative réussie qui fait encore face à des difficultés aussi bien financières que de valorisation du média vidéoludique. Un nouveau projet de musée devait voir le jour à Bussigny mais n’a cependant pas eu l’accord des citoyens de la ville à la suite d’un vote consultatif. Refusé à 69%, le projet existe toujours mais doit trouver un nouveau terrain où s’installer. Le musée actuel vit quant à lui de ses membres bénévoles, aucun salarié ne peut être embauché pour le moment. D’autant plus qu’il est également en sursi : il y a moins de deux ans, la fondation a dû organiser une campagne de crowdfunding afin de sauver le local de stockage. Essentiel pour entreposer les collections du musée ou organiser de futures expositions, la fondation aurait du mal à surmonter la perte de ce local. S’il venait à disparaître, les machines stockées devraient être déplacées ailleurs en attendant de trouver un nouvel endroit. Cette année; le musée se retrouve à nouveau dans une situation similaire face au refus du projet de musée dans la ville de Bussigny. Une situation précaire qui pèse sur le travail des bénévoles qui espèrent trouver une solution afin de poursuivre leur travail.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les activités du musée, ou soutenir la fondation, celui-ci possède un site internet accessible via ce lien. Depuis Paris, il faut se rendre directement à Lausanne puis emprunter le métro 2 jusque “Lausanne-Flon” puis le métro 1 pour descendre à “Ecublens VD, EPFL” [environs 30 minutes depuis la Gare de Lausanne].

Mastodon